Jojo, le fondateur de la chorale raconte.....




"La chorale Amitié a célébré cette année son 60ème anniversaire. C’est une longue et belle histoire avec de multiples facettes et rebondissements dont je vais vous donner un bref résumé.

Vous dire tout d’abord qu’avant la chorale, il existait depuis le retour à la paix, en 1945, un « groupe chantant » au sein d’un club de camping et d’usagers des Auberges de Jeunesse. Ce club interprétait essentiellement des chansons populaires de France et du monde entier, harmonisées à 2 ou 3 voix par Paul Arma avant la guerre.

Parmi ces chansons, il y avait bien sûr Amitié, Liberté que vous venez d’entendre, mais aussi Souliko, une chanson géorgienne que nous allons vous interpréter dans un instant, et le Chant des marais, connu depuis 1937 en France : Il s’agit d’une chanson écrite dans un camp de concentration nazi au Nord-Ouest de l’Allemagne, près de la frontière des Pays-Bas. Nul n’a jamais su expliqué comment ce chant avait pu sortir du camp et avait pu être chanté en France par plusieurs organisations de jeunesse.


                                                                                                                                                                                               C’est moi qui dirigeais, tant bien que mal, le groupe chantant. Mais, en juillet 1946, mon travail me conduisit dans différents pays étrangers et, faute de dirigeant, le groupe chantant disparut.                        Quand la Maison pour Tous rouvrit ses portes en 1947 après travaux, plusieurs anciens choristes de ce groupe demandèrent une entrevue à son directeur Henri Jambon et lui proposèrent d’installer parmi les déjà nombreuses activités de la Maison pour Tous une section chorale.                                                            

Henri Jambon s’adressa à l’organisation nationale Travail et Culture, lui demandant de trouver un chef de chœur. Ce fut François Blanchard, un jeune professeur de mathématiques, excellent musicien, qui fut choisi. Ce fut un grand bonheur pour les jeunes de Gennevilliers. François était un homme charmant, cultivé, spirituel, bon pédagogue : je ne me souviens pas l’avoir vu se fâcher lorsque quelque chose n’allait pas lors d’une répétition.                                                                                                                                       

Les débuts, fin 1947, furent modestes, avec une vingtaine de choristes. Mais, 3 mois plus tard, l’effectif avait déjà doublé et ne cessa de s’étoffer tout au long de l’année 1948. C’est là que nous avons décidé de mieux structurer le groupe en l’organisant en association, avec un conseil d’administration élu et un bureau, ce qui a permis de resserrer les liens entre les participants. La Chorale Ouvrière de Gennevilliers était née.                                                                                                                                                                            

La Fille de Gennevilliers fait partie des chansons qui ont été alors adaptées dans les premières années de la chorale. Cette chanson est une chanson de soldats du XVIIIème siècle. J’en avais trouvé les paroles et la mélodie. Je l’ai portée à mon ami Joseph Kosma, auteur de très nombreuses chansons à succès dont Les Feuilles mortes, sur un poème de Jacques Prévert, qui fit le tour du monde. En ma présence, Joseph Kosma se mit à son piano et, en l’espace d’une demi-heure, écrivit une très belle harmonisation à 4 voix.                                                                                                                                                                             

Parmi les autres chansons de cette époque, nous trouvons notamment Ma douce amie, une chanson de la Renaissance espagnole, et Les Saltimbanques, une œuvre plus moderne.


En 1949, nous avons commencé à nous faire connaître en dehors de la région parisienne. Notre premier voyage fut pour le Limousin, à Saint-Junian, avec un pèlerinage à Oradour-sur-Glane. Au mois d’août de la même année, une quinzaine de nos choristes furent retenus pour chanter au festival de Budapest. En 1950, ce fut l’Alsace avec un très grand succès à Strasbourg et dans sa banlieue. En 1951, nous fûmes conviés au Festival de la Jeunesse de Berlin. Cette activité grandissante attira bien vite l’attention de nombreux poètes et compositeurs, tels Henri Bassis, Joseph Kosma, Jean Wiener, Philippe Gérard, Marcel Frémiot, Louis Durey et bien d’autres, qui écrivirent et composèrent de nombreuses chansons pour notre ensemble. C’est ainsi qu’Henri Bassis et Joseph Kosma, en 1952, nous écrivirent Au pays des mines, un opéra ayant pour sujet la catastrophe minière de Courrières au début du XXème siècle.  Nous l’avons interprété à l’Opéra de Bucarest, en Roumanie, en août 1953 et vous venez d’en entendre un extrait, La Valse 1900. La même année, le compositeur Georges Auric avait mis en musique un poème de Paul Eluard, Le Chemin monte, et c’est à notre chorale qu’en fut confiée la création, à la salle Gaveau, avec un orchestre symphonique dirigé par le compositeur lui-même. La célébrité mena même la Chorale Ouvrière à figurer sous les traits de bonnes sœurs chantant dans un train, dans le film de René Clément, Le Jour et l’heure, avec Simone Signoret.                                                                                                               

Tout allait donc pour le mieux mais un groupe, quel qu’il soit, n’est pas toujours maître de son destin : la chorale dut interrompre ses répétitions parce qu’elle ne comptait presque plus d’hommes, la plupart des garçons avait été mobilisée dans la guerre d’Algérie.                                                                                               En 1982, c’est une simple anecdote qui fut à l’origine d’un nouveau départ.                                                     

L’un de mes amis, Robert Brécy, était l’animateur d’une émission de chansons populaires françaises sur France Culture. Il s’agissait d’un choix de disques avec un commentaire historique sur les régions d’origine de chacune des œuvres. Un jour de la fin de l’été, il vint me voir: il envisageait d’inclure deux chansons dans une prochaine émission qui n’avaient jamais été enregistrées et me demanda s’il était possible de réunir une poignée d’anciens choristes pour les interpréter en direct. Je réussis à en trouver une quinzaine. L’émission eut lieu et fut reprise quelques jours plus tard sur Radio G, la radio locale de Gennevilliers.                                                                                                                                                                      

A ma grande et heureuse surprise, je reçus alors la visite de nos anciens chanteurs et chanteuses qui n’avaient pas participé à l’émission et qui me reprochèrent amèrement de les avoir négligés. A quelques uns, encore, nous avons décidé de réunir tous ceux dont nous connaissions l’adresse, pour un repas fraternel. Il en vint de toute la France, du Nord et du Midi, là où les circonstances de la vie les avaient conduits. Ce fut très émouvant et on en vit beaucoup évoquer leurs souvenirs la larme à l’œil.

C’est là que fut décidé de faire renaître la chorale avec les anciens qui habitaient Gennevilliers et ses alentours. François Blanchard reprit pour un tour la baguette mais, sur le point de prendre sa retraite dans les Alpes, il la confia bientôt à René Mégret qui renouvela en partie le répertoire et l’ouvrit à des chants plus classiques.


Nous devons beaucoup à René Mégret. Ancien chef de la Chorale Populaire de Paris, il avait été très près de celle de Gennevilliers, remplaçant parfois François Blanchard. Jusqu’à la fin des années 90, il manifesta un profond attachement à notre ensemble que nous avions rebaptisé Chorale Amitié, considérant que c’était l’amitié qui nous avait à nouveau réunis. C’est avec René que nous avons participé aux célébrations du bicentenaire de la Révolution française, enrichissant notre répertoire pour l’occasion, et que nous avons crée le Festival de chorales, qui réunit chaque année, à notre invitation, plusieurs chorales de France ou d’ailleurs.


Ce fut une femme qui remplaça René qui aspirait, lui aussi, à une retraite bien méritée. Johanna Beau, Acha pour les intimes, Gennevilloise d’origine polonaise, nous dirigea pendant quelques années avant d’être à son tour appelée par son travail d’enseignante dans le Sud-Ouest de la France, et laissa la direction du chœur à Thibault Maillé, notre chef actuel.Nous n’avons jamais cessé de voyager, en France, mais nous avons aussi franchi les frontières, pour chanter à Imola en Italie, à Bergkamen en Allemagne, à Ostroviec en Pologne, communes jumelées à Gennevilliers. A l’occasion de notre voyage en Pologne, nous avons fait un pèlerinage à Auschwitz où nous avons chanté en hommage aux Gennevillois morts en déportation."